À QUOI AI-JE DROIT EN TANT QUE LOCATEUR SI MON LOCATAIRE FAIT FAILLITE ?

La faillite : le principe

En principe, une personne «insolvable» est celle qui est devenue incapable de payer ses dettes au fur et à mesure de leur échéance.

La notion d’insolvabilité, portant parfois à confusion avec la «faillite», précède généralement celle-ci. Ainsi, la faillite survient ultérieurement et est la procédure prévue par la loi afin que les créanciers du débiteur failli puissent se faire payer de façon ordonnée, par une entité neutre qu’est le «syndic de faillite», qui s’occupera notamment de la liquidation des biens et de la distribution des montants obtenus.

Par conséquent, lorsqu’une faillite est déclarée, la loi prévoit quels biens du failli seront dévolus au syndic, afin que ce dernier puisse payer ses dettes selon que ses créanciers détiennent une priorité, une hypothèque ou qu’ils soient «ordinaires».

À ce sujet, n’hésitez-pas à consulter notre blogue sur «L’achat de votre première maison : à quoi consentez-vous en prenant une hypothèque?», qui présente les distinctions entre la priorité et l’hypothèque.

La faillite du locataire

En considérant la multitude de créanciers dont une personne peut être débitrice, que se passe-t-il dans la relation locateur-locataire lorsque ce dernier fait faillite ?

La Loi sur la faillite et l’insolvabilité (ci-après «LFI») prévoit l’ordre dans lequel certains créanciers et leur type de créance seront payés. Par exemple, seront remboursés en premier les héritiers du failli décédé pour les frais des funérailles et autres dépenses testamentaires.

Or, au sixième rang de ces priorités se trouve «le locateur pour les arriérés de loyer pour une période de trois mois précédant la faillite.» Ainsi, le locateur pourra être payé avant d’autres créanciers «ordinaires» pour le montant que représente ces trois mois de loyer échus, mais seulement après que les autres catégories de créanciers prioritaires auront été payés.

À noter qu’il est également possible pour le locateur d’obtenir, en plus de ces trois mois de loyer échu, trois mois de loyer par anticipation, c’est-à-dire de loyer à venir. Toutefois, une telle possibilité ne se présente en principe que lorsque cela est clairement stipulé dans le bail et qu’il s’agit d’un locateur d’un bail commercial.

Compte tenu de ce qui précède, la LFI n’accorde pas au locateur le bénéfice d’être payé avant les créanciers «ordinaires» pour tout autre type de créance qu’il pourrait avoir contre son locataire, tel des frais de réparation ou des mois de loyer supplémentaire. Le locateur sera donc en concurrence, au pro rata, avec les autres créanciers ordinaires. De plus, il reste rarement suffisamment d’actifs à la fin du processus de faillite pour qu’un créancier ordinaire se fasse rembourser la totalité de sa créance. Cela signifie donc que le locateur qui constate les premiers signes de difficulté financière de la part de son locataire devrait agir en conséquence, afin d’éviter les conséquences d’une faillite, lorsque cela est possible.

Des limitations importantes

Certaines limites importantes sont prévues quant à la priorité du locateur pour le loyer échu et celui par anticipation.

Premièrement, le montant d’argent qui sera octroyé au locateur par le syndic de faillite ne pourra dépasser la somme obtenue sur les biens se trouvant sur les lieux faisant l’objet du bail. Ainsi, même si le montant que représente l’accumulation des six mois de loyer est plus élevé que la valeur des biens se trouvant sur les lieux visés par le bail, le locateur ne pourra obtenir davantage que ce dernier montant.

À cet égard, le locateur d’un bail de logement sera désavantagé par rapport à celui d’un bail commercial. En effet, la loi accorde à chaque débiteur (dans ce cas-ci le failli) le droit de refuser que divers types de biens soient saisis par un huissier, et ce, jusqu’à concurrence d’un certain montant. Ces biens incluent notamment les biens meubles qui garnissent ou qui ornent la résidence principale du débiteur, qui servent à l’usage de la famille et qui sont nécessaires à la vie de celle-ci. Or, le locataire d’un bail commercial ne possède habituellement pas de tels biens sur les lieux faisant l’objet du bail, ce qui fait en sorte que davantage de biens seront dévolus au syndic et pourront être vendus.

Deuxièmement, il est possible pour le locateur d’un bail commercial d’inclure une clause de résiliation automatique du bail en cas de faillite. Cela lui présente quelques avantages, car le syndic de faillite ne pourra généralement pas occuper les lieux loués, ni céder les droits du locataire résultant du bail. Toutefois, une telle clause n’est pas permise en ce qui concerne un bail de logement, et ce, afin de protéger le locataire.

Finalement, si le locateur détenait une autre forme de garantie, telle qu’une hypothèque conventionnelle que lui aurait accordée son locataire, celle-ci ne sera plus valide, sauf exceptions. En effet, lors de la faillite, le locateur devra se soumettre à l’ordre et au montant du paiement prévu par la LFI.

Se prémunir contre la faillite du locataire

À cet effet, le locateur dispose-t-il d’options afin de se protéger d’une faillite éventuelle de son locataire?

À titre d’exemple, pour un bail commercial, le locateur peut insérer une clause exigeant un nombre de mois de loyer payable à l’avance, montant qu’il conservera en cas de non-respect d’une obligation du bail par le locataire, ou qu’il imputera aux mois convenus dans le cas contraire. En cas de faillite du locataire, le locateur pourrait, dans certains cas, conserver ce montant convenu d’avance.

Dans un cas de bail de logement, les options sont restreintes, la loi étant soucieuse de protéger le locataire. Toutefois, le locateur conserve le droit de s’adresser à la Régie du logement afin de demander la résiliation du bail dans certaines circonstances, par exemple lorsque le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer ou lorsque le logement devient impropre à l’habitation.

Que ce soit dans un cas ou dans l’autre, n’hésitez-pas à obtenir les conseils de nos avocats car la prévention est la clé dans ce genre de situation.

En résumé

Lorsqu’un locataire fait faillite, le locateur a le droit de se faire payer avant d’autres créanciers du locataire dits «ordinaires» pour un montant équivalant à trois mois de loyer impayé. À cet effet, aucun montant pour des frais excédentaires, par exemple pour des réparations dans le logement, n’est inclut dans cette priorité.

Le locateur d’un bail commercial pourra également, s’il l’a stipulé dans le bail, réclamer au locataire trois mois de loyer à venir, ou «par anticipation». Ce locateur pourrait également prévoir une clause de résiliation automatique du bail en cas de faillite du locataire.

Toutefois, le locateur ne sera payé qu’après les autres catégories de créanciers que la loi priorise. Également, le montant octroyé ne pourra dépasser la valeur des biens se situant sur les lieux loués, même si le montant que représente les mois de loyer impayé est plus élevé.