CONJOINTS DE FAIT ? MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE GUÉRIR

Le Québec se trouve au deuxième rang des provinces et territoires canadiens ayant le pourcentage le plus élevé de personnes vivant en union de fait. Par contre, peu d’entre elles connaissent les conséquences juridiques que cette situation entraîne sur les droits de chacun des conjoints.

Il faut tout d’abord savoir qu’outre certaines lois particulières, en général, en droit civil québécois, les conjoints de fait ne détiennent pas les mêmes droits, ni les mêmes obligations, que les couples mariés ou unis civilement, et ce, peu importe le nombre d’années passées ensemble. Cela concerne notamment des protections légales tels que le partage du patrimoine familial, le fait d’hériter d’une partie de la succession du conjoint décédé sans testament ou le droit de demander une pension alimentaire à l’autre conjoint en cas de séparation.

Cependant, pour pallier à certains de ces vides présents en union de fait, il est possible de recourir à un contrat de vie commune.

Qu’est-ce qu’un contrat de vie commune et à quoi sert-il?

Bien que cela puisse en effrayer certains, prévoir un contrat au début d’une union de fait est un geste prudent qui vise à atténuer ou limiter les conflits si une séparation survient. Évidemment, cet outil n’est pas imperméable à toutes les situations, mais il permet tout de même aux conjoints de prévoir leurs droits et obligations durant leur vie commune, ainsi qu’à la fin de celle-ci, en cas de rupture.

Étant un contrat à la base, les parties seront liées par ce qu’elles décident ensemble, tant et aussi longtemps que son contenu est légal et non contraire à l’ordre public, bien entendu. Par ailleurs, les clauses ne sont pas immuables et il est donc toujours possible de modifier ou supprimer d’un commun accord des modalités devenues désuètes au fil du temps.

Qui peut rédiger un contrat de vie commune et que peut-il inclure?

En règle générale, deux personnes majeures, qui n’ont pas été déclarées inaptes, qui comprennent pleinement les obligations auxquelles elles s’engagent et qui s’y soumettent volontairement, peuvent rédiger un contrat de vie commune.

Il peut inclure de nombreuses clauses. Parmi celles-ci, il est possible de prévoir :

  • Ce qu’il adviendra de la résidence familiale. En effet, si un seul des conjoints est propriétaire unique de la résidence familiale et qu’il survient une séparation, l’autre conjoint n’aura en principe aucun droit à faire valoir contre cet immeuble. Il est donc possible de prévoir un droit d’usage ou d’établir une copropriété, par exemple.
  • Les contributions aux charges du ménage. Cela peut inclure les paiements du prêt hypothécaire et des autres mensualités relatives à la résidence ou aux véhicules servant à l’usage de la famille, par exemple.
  • Le partage des biens. En effet, n’étant pas obligés au patrimoine familial comme les conjoints mariés ou unis civilement, il est possible que chacun désire rester propriétaire des biens détenus avant le début de l’union ou acquis durant celle-ci. Il pourrait être alors utile d’en faire un inventaire et de le mettre à jour de temps en temps.
  • Une compensation financière en cas de séparation. Cela est particulièrement utile pour le conjoint qui génère un revenu moins élevé que l’autre, par exemple.
  • Un mandat en cas d’inaptitude de l’autre conjoint ou un simple mandat pour représenter les intérêts de l’autre dans certaines situations ou pour administrer ses biens.

Les possibilités sont nombreuses et il ne faut pas avoir peur d’être créatif. Toutefois, il ne saurait exister une liste exhaustive de toutes les restrictions et illégalités possibles, ce pourquoi il est fortement conseillé de recourir à un(e) professionnel(le) du droit dans la rédaction de son contrat de vie commune.

Il ne faut pas oublier également que, bien que le Code civil du Québec n’accorde pas les mêmes droits aux conjoints de fait qu’aux conjoints mariés ou unis civilement, de nombreuses lois spécifiques, autant provinciales que fédérales, font tout le contraire. On peut penser par exemple à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur l’aide financière aux études, la Loi sur l’aide juridique, la Loi sur le régime de rentes du Québec, la Loi sur les normes du travail, la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur l’assurance emploi, etc.

Qu’arrive-t-il si nous nous séparons?

Si vous n’aviez pas prévu un contrat de vie commune, chacun conservera la propriété de ses biens et vous serez copropriétaires de ceux achetés ensemble. Toutefois, cela peut éventuellement mener à des injustices, notamment lorsqu’un des conjoints a quitté son emploi pour rester à la maison, lorsqu’il a participé à la majorité des dépenses du ménage ou lorsqu’il a aidé à bâtir l’entreprise de l’autre. Évidemment, le recours en enrichissement injustifié existe pour ces situations, mais celui-ci n’est pas gagné d’avance.

Si vous aviez prévu un contrat de vie commune, les clauses régissant les obligations de chacun durant la vie commune cesseront d’avoir effet, par exemple pour ce qui est du partage des dépenses. Ce sont les clauses régissant la séparation, telles que le partage des biens ou la compensation financière, qui prendront leur plein effet. Vous devrez donc rester fidèle à ce que vous aviez conclu au départ, si vous n’y avez pas apporté de modifications.

Qu’arrive-t-il si nous nous marions?

Si vous vous mariez et que vous n’aviez pas prévu de contrat de vie commune, ce seront notamment les dispositions du Code civil du Québec relativement aux conjoints mariés qui s’appliqueront. On peut prendre comme exemple les règles relatives au patrimoine familial et à la société d’acquêts.

Toutefois, si vous aviez prévu un contrat de vie commune, celui-ci continuera de s’appliquer, car il est le reflet de votre volonté commune, sauf si ses clauses sont incompatibles avec les règles impératives régissant le mariage, notamment en ce qui concerne le patrimoine familial.

Qu’arrive-t-il si mon conjoint décède?

Que vous ayez prévu un contrat de vie commune ou pas, le conjoint de fait survivant ne pourra pas hériter de son conjoint décédé si ce dernier n’avait pas de testament ou si rien ne lui a été légué dans le testament.

Ainsi, ce sera soit le testament, soit l’ordre successoral prévu par la loi qui devra être respecté. En effet, le contrat de vie commune ne pourra pas, en principe, inclure de donations sans être rédigé par un notaire et ne pourra pas inclure quelconque legs fait au conjoint en cas de décès, car seul un testament peut le prévoir.

Il serait donc bien avisé de discuter de ces éventualités avec son conjoint afin de ne pas avoir de mauvaises surprises.

Bref, la prévention est la clé. Bien que ce type de discussion ne soit pas des plus agréables, un tel outil établi dès le départ, et parfois mis à jour, pourrait vous éviter bien des maux de tête. N’hésitez pas à contacter un de nos avocats dans la rédaction de votre contrat de vie commune.