LOI CANADIENNE ANTI-POURRIEL : TOUR D’HORIZON ET DERNIÈRES MISES À JOUR

À l’ère des avancées technologiques dans laquelle nous vivons, notre société de consommation ne cesse de se réinventer grâce aux innovations qui voient le jour à une vitesse fulgurante.

Ces changements amènent leur lot de difficultés auxquelles le législateur doit répondre en adoptant des lois pouvant régir le bon fonctionnement des rapports entre la technologie et le milieu commercial.

Par exemple, l’arrivée d’internet a permis aux entreprises de se tailler une place sur la toile.

Ainsi, dès l’avènement du courriel, les entreprises ont pu s’adresser directement aux consommateurs potentiels pour faire la promotion de leurs produits et services via ce nouveau mode de communication.

Ces publicités se sont longtemps accumulées dans les boîtes de courriels indésirables de la plupart des usagers de service de messagerie en ligne. Communément appelés spam, junk mail ou encore pourriel, ces messages qui exaspèrent la plupart des destinataires sont souvent supprimés avant même que leur contenu ne soit révélé.

C’est ainsi que, pour protéger les Canadiens tout en veillant à ce que les entreprises demeurent concurrentielles sur le marché mondial, la Loi canadienne anti-pourriel a été adoptée en décembre 2010 et qu’elle est entrée en vigueur le 1er juillet 2014.

En bref, la Loi interdit généralement :

  • d’envoyer des messages électroniques commerciaux sans le consentement du destinataire (inclut les messages envoyés aux réseaux sociaux et aux cellulaires)
  • d’installer des programmes d’ordinateur sans le consentement exprès du propriétaire de l’ordinateur
  • d’utiliser en ligne des indications fausses ou trompeuses visant à faire la promotion de produits ou de services
  • de recueillir des renseignements personnels ou des adresses électroniques, sans obtenir la permission du propriétaire de ces informations

Trois organismes gouvernementaux sont responsables de l’application de la Loi. Il s’agit du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), du Bureau de la concurrence et du Commissariat à la protection à la vie privée du Canada.

Par ailleurs, le 1er juillet 2017 aurait marqué l’entrée en vigueur des dernières dispositions de la Loi qui n’étaient toujours pas applicables. Ces dispositions, soit les articles 47 à 51, auraient accordé aux justiciables un «droit privé d’action», c’est-à-dire le droit de poursuivre la société, corporation, entreprise ou personne qui viole cette Loi et, ce faisant, lui cause un préjudice. Cela aurait constitué un important changement, car depuis l’entrée en vigueur de la Loi en 2014, c’est le CRTC seul qui avait un droit d’action en pareille matière, après avoir géré les plaintes et les enquêtes, pour finalement imposer les sanctions prévues. Ce changement ne remplaçait pas ces compétences détenues par le CRTC, mais venait ajouter un recours alternatif disponible au justiciable qui se serait cru lésé dans ses droits.

Par contre, le 7 juin 2017, Innovation, Sciences et Développement économique Canada a publié un communiqué de presse dans lequel il informait que ces dispositions législatives ont été suspendues, «en réponse à des préoccupations générales soulevées par des entreprises, des organismes de bienfaisance et des groupes sans but lucratif.» N’indiquant pas de terme à cette suspension, le communiqué indique simplement qu’un comité parlementaire se penchera sur la Loi canadienne anti-pourriel afin de l’examiner. Ainsi, les justiciables devront, en attendant la levée de la suspension ou une modification de la Loi, continuer à envoyer leurs plaintes au CRTC, qui imposera seul les amendes nécessaires.

En légiférant la sollicitation du consommateur par le commerçant, le législateur a mis en place des sanctions sévères ayant comme objectif de dissuader tous ceux qui seraient tentés d’y passer outre.

Par exemple, deux entreprises ont fait l’objet de décisions rendues en vertu de la Loi canadienne anti-pourriel. Leur désobéissance les a condamnées au paiement d’amendes très élevées.

Tout d’abord, le 5 mars 2015, l’entreprise Compu Finder a été condamnée à une sanction pécuniaire de 1.1 million de dollars pour avoir envoyé à des adresses électroniques des messages électroniques commerciaux sans avoir obtenu le consentement des personnes à qui les messages étaient envoyés.

Ces infractions ont eu lieu entre le 2 juillet 2014 et le 16 septembre 2014. Pendant cette période, le CRTC aurait reçu plus de mille (1000) plaintes par jour dirigées contre Compu Finder. Aussi, certains facteurs n’ont pas favorisé l’atténuation de la sanction. En effet, depuis 2008, l’entreprise était vivement critiquée au sujet de ses pourriels et, malgré les critiques, les envois n’ont pas cessé après l’adoption de la Loi.

Par ailleurs, le 25 mars 2015, le CRTC a annoncé que l’entreprise Plentyoffish Media avait payé 48 000$ dans le cadre d’un engagement lié à une violation présumée de la Loi canadienne anti-pourriel. La société a volontairement réglé ce montant après avoir été avisée des violations à la Loi qu’elle avait commise. De plus, elle s’engagea à mettre en œuvre un programme de conformité pour veiller à ce que ses activités respectent la Loi.

Plentyoffish Media aurait envoyé des courriels de nature commerciale à des utilisateurs inscrits auprès du service en ligne de rencontre Penty of Fish. Ces courriels comportaient un mécanisme d’exclusion qui n’était pas clairement présenté et mis en évidence et ne pouvait pas être facilement utilisé comme le requiert la Loi.

C’est ainsi que, depuis l’adoption de la Loi canadienne anti-pourriel, le paysage informatique, et plus particulièrement celui de la messagerie électronique, a changé. Fini l’époque où les boîtes de réception débordaient de courriels indésirables. Maintenant, les entreprises doivent demander la permission avant d’envoyer des courriels commerciaux et le destinataire doit avoir la possibilité de se retirer de la liste d’envoi.

Toutefois, si vous êtes dans le rôle de l’entrepreneur, soyez bien avisé que cette forme de publicité n’est pas permise sans l’autorisation du consommateur. Les sanctions sont très élevées et peuvent aller jusqu’à 1 million de dollars pour une personne physique et jusqu’à 10 millions de dollars pour toute autre personne.

Ainsi, pour toute question à cet effet nous vous invitons à la prudence. En cas de doute, n’hésitez pas à obtenir les conseils d’un avocat de Noël et Associés.