COMPRENDRE LES CHANGEMENTS EN MATIÈRE D’AIDE MÉDICALE À MOURIR

L’aide médicale à mourir n’est plus interdite

L’aide médicale à mourir est un bon exemple de modification du droit qui découle de l’évolution des valeurs des Canadiens et Canadiennes. Évidemment, aucun sujet ne peut faire l’unanimité au sein d’une société, mais un certain consensus peut s’installer au fil du temps.

En 2015, la Cour suprême du Canada a reconnu, dans la décision Carter c. Canada, un tel changement de valeurs en invalidant les dispositions du Code criminel qui interdisaient l’aide médicale à mourir et qui rendaient passible d’un emprisonnement maximal de 14 ans quiconque aurait aidé ou encouragé quelqu’un à se donner la mort.

La Cour a jugé ces dispositions inconstitutionnelles, c’est-à-dire qu’elles allaient à l’encontre des droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne protégés par la Charte canadienne des droits et libertés, et qu’une telle violation ne pouvait se justifier raisonnablement dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Ces changements ont été favorablement accueillis par de nombreuses personnes et associations à travers le Canada, particulièrement en raison du fait que la Cour avait, en 1993, confirmé l’interdiction de l’aide médicale à mourir dans sa décision Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général).

À cet égard, il est possible de se remémorer la célèbre affaire Latimer qui s’est conclue en 2001, dans laquelle Robert Latimer avait enlevé la vie de sa fille de 12 ans, par compassion, car elle souffrait d’une paralysie cérébrale grave. Malgré le vif débat sur l’aide médicale à mourir qui s’en est suivi à l’échelle nationale, monsieur Latimer fut condamné de meurtre au deuxième degré. Le jugement de 2015 dans Carter c. Canada pourrait-il désormais permettre de tels actes?

La réponse est négative. En effet, bien que cette récente décision invalide l’interdiction de l’aide médicale à mourir et que les lois fédérales et provinciales ont dû être modifiées afin de refléter ce changement de cap du droit, il n’en demeure pas moins que l’aide médicale à mourir est strictement réglementée et ne peut être offerte que dans certaines circonstances et par les personnes autorisées par la loi, tels que des médecins et autres professionnels de la santé désignés.

Les changements apportés au Code criminel

Au niveau fédéral, le Parlement a modifié le Code criminel afin que les médecins et infirmiers praticiens qui fournissent l’aide médicale à mourir à une personne, ainsi que tous ceux qui font quelque chose pour aider ces professionnels de la santé à fournir une aide médicale à mourir ne puissent être reconnus d’homicide coupable.

En outre, l’aide médicale à mourir est désormais définie par le Code criminel comme étant le fait, pour le médecin ou l’infirmier praticien :

  • D’administrer, à une personne, à la demande de celle-ci, une substance qui cause la mort;
  • De prescrire ou de fournir une substance à une personne, à la demande de celle-ci, afin qu’elle se l’administre et cause ainsi sa mort.

Compte tenu de ce qui précède, seule la personne qui remplit chacun des critères suivants peut recevoir une telle aide :

  • elle est admissible — ou serait admissible, n’était le délai minimal de résidence ou de carence applicable — à des soins de santé financés par l’État au Canada;
  • elle est âgée d’au moins dix-huit ans et est capable de prendre des décisions en ce qui concerne sa santé;
  • elle est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables;
  • elle a fait une demande d’aide médicale à mourir de manière volontaire, notamment sans pressions extérieures;
  • elle consent de manière éclairée à recevoir l’aide médicale à mourir après avoir été informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment les soins palliatifs.

Or, il est légitime de se demander ce que l’expression «problèmes de santé graves et irrémédiables» englobe, ce pourquoi le Code criminel prévoit des critères permettant d’y répondre. Ainsi, une personne ne sera considérée affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables que si :

  • elle est atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap grave et incurable;
  • sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités;
  • sa maladie, son affection, son handicap ou le déclin avancé et irréversible de ses capacités lui cause des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge acceptables;
  • sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic n’ait été établi quant à son espérance de vie.

Finalement, il est à noter que plusieurs autres changements ont été apportés au Code criminel et à d’autres lois fédérales, afin de circonscrire le mieux possible cette nouvelle réalité et qu’un professionnel du droit serait le mieux à même de vous conseiller sur les détails procéduraux.

Le Québec et l’aide médicale à mourir

Outre le gouvernement fédéral, chaque province a eu un rôle à jouer dans le développement d’une réglementation sur l’aide médicale à mourir, étant donné que le domaine de la santé est de compétence provinciale.

Ainsi, le Québec a adopté la Loi concernant les soins de fin de vie (ci-après la «Loi»), entrée en vigueur le 10 décembre 2015. Bien qu’elle fut contestée devant la Cour supérieure du Québec, la Cour d’appel a ultimement confirmé la validité de la Loi dans un jugement rendu le 22 décembre 2015.

Or, cette Loi permet à «toute personne, dont l’état le requiert, […] de recevoir des soins de fin de vie, sous réserve des exigences particulières prévues par la présente loi.»

Se fondant sur l’arrêt Carter et s’inspirant des nouvelles dispositions du Code criminel, la Loi prévoit notamment les critères suivants, qu’une personne doit rencontrer avant de pouvoir demander une aide médicale à mourir :

  • elle est une personne assurée au sens de la Loi sur l’assurance maladie;
  • elle est majeure et apte à consentir aux soins;
  • elle est en fin de vie;
  • elle est atteinte d’une maladie grave et incurable;
  • sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités;
  • elle éprouve des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge tolérables.

Évidemment, le retrait d’une demande peut être fait en tout temps, et par n’importe quel moyen.

Le médecin administrant une telle aide est également tenu à de nombreuses obligations, tel que de s’assurer du caractère libre de la décision de la personne et de lui donner toute l’information lui permettant de prendre une décision éclairée.

De plus, la Loi prévoit que différents types d’établissement, et non uniquement des hôpitaux, pourront offrir des soins de fin de vie, tels que des maisons de soins palliatifs ou des cabinets privés de professionnels de la santé.

Autre innovation apportée par la Loi, il sera désormais possible pour toute personne majeure et apte à consentir à des soins de formuler des «Directives médicales anticipées». À l’aide de ces dernières, une personne pourra indiquer si elle consent ou non aux soins médicaux qui pourraient être requis par son état de santé dans l’éventualité où elle deviendrait inapte à consentir aux soins. Toutefois, ces Directives ne pourront servir pour formuler une demande d’aide médicale à mourir anticipée, les deux demandes étant distinctes et répondant à des critères différents.

En somme, des changements législatifs profonds ont été apportés au cours des dernières années concernant le débat sur l’aide médicale à mourir, et ce, d’un bout à l’autre du Canada. Ces nouvelles lois étant relativement récentes, il faudra surveiller de près leur application et leur interprétation. À cet effet, n’hésitez pas à consulter l’un de nos avocats afin de veiller au respect de vos droits.