Tour d’horizon des lois en la matière
L’enlèvement d’enfants touche bien souvent des parents aux prises avec un divorce ou une séparation. Ainsi, il est important de connaître les conséquences juridiques et les procédures mises en place par la loi lorsqu’une telle situation survient.
Au Québec, il existe deux lois et une convention internationale s’appliquant en matière d’enlèvement international d’enfants, à savoir : le Code criminel, la Loi sur les aspects civils de l’enlèvement interprovincial d’enfants et la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (communément appelée la Convention de la Haye, parce que conclue à La Haye en 1980).
Tout d’abord, le Code criminel prévoit un emprisonnement maximal de cinq ans pour toute personne qui enlève une personne âgée de moins de seize ans de la possession et contre la volonté de son père, mère, tuteur ou personne qui en a la garde.
Ce premier instrument législatif criminalise de ce fait l’acte d’enlèvement et permet au Département des poursuites criminelles et pénales de poursuivre le contrevenant, une fois arrêté. Toutefois, cette disposition ne prévoit pas de procédures permettant la localisation d’un enfant enlevé ou de moyens d’en demander le retour, même si son emplacement est connu.
C’est à ce niveau que la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants est utile. Cette convention internationale, dont le Canada fait partie, regroupe de nombreux États à travers le monde dans le but de répondre à deux objectifs principaux :
- Créer un réseau de coopération rapprochée entre les États parties à la Convention afin de faciliter le retour de l’enfant enlevé de son lieu de résidence habituel;
- Assurer le respect des droits de garde et d’accès d’un parent ou d’un tuteur qui ont été reconnus par le droit d’un des États parties à la Convention.
À noter cependant que plusieurs pays ne sont pas signataires de la Convention de La Haye, notamment l’Algérie, l’Haïti, l’Inde et le Liban, pour ne nommer que ceux-là, rendant la procédure de retour d’un enfant enlevé au pays quasi impossible.
Finalement, il y a la Loi sur les aspects civils de l’enlèvement interprovincial d’enfants, qui a été adoptée au Québec et qui met en application la Convention de La Haye en prévoyant les procédures à suivre et les moyens afin d’obtenir le retour de l’enfant au Québec.
Quelques définitions contenues à la Loi sur les aspects civils de l’enlèvement interprovincial d’enfants.
L’enlèvement est «le déplacement ou le non-retour d’un enfant [de moins de 16 ans] de son lieu de résidence habituel […] lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde». Quant à lui, le droit de garde est défini comme «le droit portant sur les soins de la personne de l’enfant et en particulier celui de décider de son lieu de résidence».
En bref, un enlèvement constitue le fait, pour une personne, d’amener un enfant de moins de 16 ans à l’extérieur de son lieu de résidence habituel, ou de ne pas le retourner à ce lieu, violant de ce fait le droit de garde que détient le(s) parent(s) ou le(s) tuteur(s). En vertu de cette définition, un parent peut donc enlever son propre enfant.
Conditions et procédures prévues
Il est tout d’abord possible pour la personne victime de l’enlèvement de son enfant de s’adresser directement au Ministère de la Justice du Québec pour obtenir de l’aide. À cet effet, la demande devra contenir notamment les éléments suivants :
- Des informations portant sur l’identité du demandeur, de l’enfant et de la personne qu’il soupçonne avoir emmené ou retenu l’enfant;
- La date de naissance de l’enfant, s’il est possible de se la procurer;
- Les motifs sur lesquels se base le demandeur pour réclamer le retour de l’enfant;
- Une autorisation écrite donnant à l’Autorité centrale le pouvoir d’agir pour le compte du demandeur ou de désigner un représentant habilité à agir en son nom.
- Toute information disponible concernant la localisation de l’enfant et l’identité de la personne avec laquelle l’enfant est présumé se trouver.
Toutefois, pour qu’une ordonnance forçant le retour de l’enfant soit rendue, contraignant ainsi l’état étranger où se situe l’enfant à coopérer, il faudra faire une demande en justice à la Cour supérieure du Québec, qui traitera ces dossiers de façon prioritaire.
À cet égard, la Loi et la jurisprudence québécoise ont permis d’établir les critères qui doivent être rencontrés pour que le détenteur du droit de garde puisse présenter une telle demande. Pour que celle-ci soit valide, il faut que :
- L’état où l’enfant a été déplacé ou duquel il n’est pas revenu soit signataire de la Convention de La Haye;
- L’enfant soit âgé de moins de 16 ans au moment de la demande;
- L’enfant ait résidé habituellement à l’endroit où la demande de retour est faite;
- Le demandeur a un droit de garde reconnu en contravention duquel l’enfant aurait été déplacé ou ne serait pas revenu.
Une fois ces critères rencontrés, la cour ordonnera en principe le retour immédiat de l’enfant.
En outre, pour que le demandeur puisse démontrer qu’il a bien la garde de l’enfant, il pourra déposer comme preuve le jugement la lui accordant. Il pourra également déposer en preuve le jugement rendu par un tribunal d’un état étranger s’il est d’une autre nationalité, mais seulement si cet État est l’un des signataires de la Convention de La Haye.
Que se passe-t-il toutefois lorsque l’état étranger dans lequel se trouve l’enfant enlevé n’a pas signé la Convention ? Dans une telle situation, il faudra que le détenteur du droit de garde contacte le Ministère des Affaires étrangères canadien, qui tentera de l’aider dans le processus de négociations diplomatiques afin que l’état étranger accepte de mobiliser des ressources pour localiser et retourner l’enfant, ce qui n’est pas une mince affaire.
Exceptions possibles à une ordonnance de retour
Malgré l’obtention d’une ordonnance, tout n’est pas gagné. En effet, il est possible pour la personne ayant enlevé l’enfant de s’opposer à son retour, en démontrant l’un des éléments suivants :
- Que celui qui avait le soin de la personne de l’enfant n’exerçait pas effectivement le droit de garde à l’époque du déplacement ou du non-retour;
- Que celui qui avait le soin de la personne de l’enfant avait consenti ou acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour;
- Qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique ou, de toute autre manière, ne le place dans une situation intolérable;
- Si l’enfant lui-même s’oppose à son retour et qu’il a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de cette opinion;
- Si ce retour est contraire aux droits et libertés de la personne reconnus au Québec;
- Lorsque la demande retour est introduite après l’expiration d’une période d’une année depuis le déplacement (ou le non-retour) et qu’il est établi que l’enfant s’est intégré dans son nouveau milieu.
Il faut donc être prudent car si l’un de ces éléments est prouvé et accepté par la cour, celle-ci peut refuser d’ordonner le retour de l’enfant.