Une pension alimentaire peut être octroyée par un tribunal pour différentes raisons. En revanche, la situation la plus courante est celle dans laquelle un conjoint la demande à son ex-conjoint(e), soit pour elle-même ou lui-même, soit pour leur(s) enfant(s).
Or, bien des gens croient que dès que des conjoints divorcent, l’un d’eux devra automatiquement verser une pension à l’autre, en plus d’une pension pour l’enfant. Toutefois, ce n’est pas le cas. En effet, la grande majorité des bénéficiaires des pensions alimentaires versées au Canada sont les enfants.[1]
Compte tenu de ce qui précède, que se passe-t-il si, par exemple, votre ex-conjoint(e) a été condamné(e) à verser une pension alimentaire à votre enfant alors qu’il habitait au Québec, mais qu’il a décidé par la suite de déménager dans une autre province, ou même dans un autre pays? Sera-t-il toujours obligé de payer la pension alimentaire s’il n’habite plus au Québec?
De tels enjeux sont particulièrement importants dans la région de la capitale nationale, étant donné qu’il est très facile pour les gens de l’Outaouais de déménager à Ottawa, et vice versa.
Étant donné que les lois québécoises ne peuvent pas s’appliquer à l’extérieur du territoire, c’est pour répondre à ces questions que la Loi sur l’exécution réciproque d’ordonnances alimentaires (ci-après la «L.e.r.o.a.») a été adoptée au Québec.
La Loi sur l’exécution réciproque d’ordonnances alimentaires
Cette Loi a pour but principal de permettre qu’un jugement qui a été rendu dans une autre province ou un autre pays condamnant une personne à verser une pension alimentaire (le «débiteur alimentaire»), à une autre personne (le «créancier alimentaire») puisse être validé et exécuté au Québec.
Autrement dit, la Loi s’appliquera lorsqu’une personne qui réside ailleurs qu’au Québec se voit octroyer une pension alimentaire pour elle-même ou pour son ou ses enfants et que son ex-conjoint(e) réside au Québec. La Cour supérieure du Québec pourra alors examiner le jugement rendu par le tribunal «étranger» et le valider afin qu’il puisse être exécuté sur le territoire québécois. Ainsi, le débiteur alimentaire qui habite au Québec devra continuer de verser la pension alimentaire au créancier alimentaire qui habite à l’extérieur du Québec.
Ce principe restera le même si le jugement accordant une pension alimentaire a été rendu à l’extérieur du Canada. Il faut prendre garde toutefois, car ce ne sont pas tous les pays qui sont éligibles à une reconnaissance au Québec des jugements étrangers en vertu de la Loi.
En effet, le gouvernement du Québec peut désigner les provinces, états ou pays pour lesquels il sera possible d’utiliser la Loi afin de reconnaître au Québec les jugements accordant des pensions alimentaires. Par exemple, toutes les provinces et tous les territoires canadiens ont été désignés par le gouvernement, mais seulement les états américains du New York, New Jersey, Californie, Floride, Massachussetts, Pennsylvanie, Maine, Vermont, New Hampshire et Oregon ont été désignés, en date de mars 2018.
Pour revenir au principe établi dans la Loi, cela signifie que si vous résidez à l’extérieur du Québec, que votre ex-conjoint(e) réside au Québec et que vous avez obtenu un jugement lui ordonnant de payer une pension alimentaire, il sera possible de continuer à recevoir la pension alimentaire qui a été accordée, comme si cela avait été ordonné par un tribunal québécois.
Modification ou annulation du jugement et renversement de la situation
La Loi permet à la Cour supérieure du Québec de modifier ou d’annuler le jugement qui a été rendu en votre faveur dans la province où vous habitez, si ce jugement est «provisoire». Un jugement provisoire en est un qui, par exemple, a été rendu par défaut, c’est-à-dire sans que le débiteur alimentaire ait eu l’occasion d’être entendu.
Ainsi, lorsque vous demandez à la Cour d’appliquer la Loi afin d’exécuter au Québec votre jugement provisoire obtenu, la Cour pourra modifier le montant de la pension alimentaire qui vous a été octroyée, ou même l’annuler complètement.
Dans un autre ordre d’idées, si la situation est inversée, c’est-à-dire que c’est vous qui habitez au Québec, et non votre ex-conjoint(e), et que celui-ci habite dans un des territoires énoncés précédemment, ce ne sera pas la Loi québécoise qui s’appliquera.
En effet, comme les lois du Québec ne peuvent pas s’appliquer à l’extérieur du territoire de la province, si vous voulez continuer à recevoir les versements de la pension alimentaire, il faudra s’adresser directement au tribunal de la province où votre ex-conjoint(e) habite. Or, chaque territoire énuméré précédemment a adopté une loi équivalente à celle du Québec. Par exemple, en Ontario, cette loi porte le même nom que la Loi québécoise, alors que dans la majorité des autres provinces canadiennes, cette loi se nomme l’Interjurisdictional Support Orders Act.
Application concrète de la Loi
Il est à noter que pour ce qui est du Québec, le ministère de la Justice et Revenu Québec peuvent parfois intervenir dans l’exécution des jugements de pensions alimentaires, mais il faut distinguer entre trois situations différentes.
La première est lorsque le débiteur alimentaire quitte le Québec afin de s’installer dans un des territoires désignés. En ce cas, Revenu Québec peut, sous certaines conditions, entreprendre les démarches pour que le jugement qui a été rendu au Québec accordant une pension alimentaire au créancier alimentaire soit validé et exécuté dans ce territoire.
La deuxième est lorsque c’est le créancier alimentaire qui déménage dans un des territoires désignés suite à l’obtention d’un jugement lui accordant une pension alimentaire et que le débiteur alimentaire habite toujours au Québec. Dans cette situation, ce dernier devra continuer à verser sa pension alimentaire, car il reste soumis à la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires.
Finalement, dans le cas où le créancier alimentaire habite dans un des territoires désignés, et que c’est un tribunal de ce territoire qui a rendu un jugement lui accordant une pension alimentaire, il devra s’adresser au gouvernement de son territoire afin de savoir si celui-ci peut l’aider dans ses démarches afin de faire valider le jugement par les tribunaux québécois.
Le débiteur alimentaire ne réside pas dans un endroit désigné par le gouvernement
Une situation exceptionnelle peut se produire lorsque le créancier alimentaire habite au Québec, mais que le débiteur alimentaire ne réside dans aucun des territoires désignés par le gouvernement québécois.
Dans une telle situation, il n’est pas possible, ni pour le créancier alimentaire, ni pour Revenu Québec, de passer par la voie des lois facilitant l’exécution d’ordonnances alimentaires. Il faudra donc que le créancier alimentaire s’adresse lui-même, ou par l’entremise d’un avocat, aux tribunaux du pays où réside le débiteur alimentaire, afin que le jugement québécois puisse être reconnu et exécuté en vertu des lois de ce pays.