PRÉCISION DE LA COUR D’APPEL CONCERNANT LE TRAITEMENT DES AVIS DE COTISATION

Dans le cadre d’une faillite ou d’une proposition, il arrive de plus en plus fréquemment que les agences du revenu déposent une preuve de réclamation amendée basée sur un avis de cotisation émis, post-faillite ou post-proposition.

Cette situation place le syndic dans une situation délicate. En effet, si le syndic estime la cotisation non fondée, il doit la contester à l’intérieur du délai prescrit, généralement de 90 jours. Évidemment, le syndic n’a pas la connaissance intime de la situation fiscale du débiteur qui lui permettrait d’articuler et soutenir une opposition à l’avis de cotisation. Tout cela, sans même considérer les coûts et les délais inhérents associés à la contestation de l’avis de cotisation.

Le fisc se trouve alors dans une position plutôt confortable où il détermine le montant de la réclamation et il contrôle les délais d’opposition. Il se rabat alors sur la présomption de validité de l’avis de cotisation et prétend que la réclamation soumise au syndic lui donne droit à tous les avantages qui y sont associés. Par ailleurs, l’avis de cotisation conserve toute sa validité s’il n’est pas contesté avec succès par le syndic.  Par conséquent, le fisc se voit octroyer un pourcentage de vote équivalent au montant de sa réclamation. Dans certains cas, cela lui permet de prendre contrôle des décisions des assemblées de créancier sans compter que la réclamation du fisc lui donne droit de recevoir une plus grande proportion du dividende qui découle de la proposition de la faillite.

Décision de la Cour d’appel

Cette réalité risque de changer. En effet, le 21 octobre 2014, la Cour d’appel [1] du Québec s’est vue confronter à une telle situation. La Cour devait trancher la question suivante.

L’avis de cotisation émis par l’Agence de revenu du Canada (« l’ARC ») à l’encontre d’un failli constitue-t-il une « action, mesure d’exécution ou autre procédure en vue du recouvrement de réclamations prouvables en matière de faillite », au sens du paragraphe 69.3 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (« la LFI »)?

Le Procureur général du Canada, agissant pour l’Agence du revenu du Canada, a soutenu que l’avis de cotisation n’a rien à voir avec des mesures de recouvrement. Toujours selon le procureur général du Canada, l’avis de cotisation jouit d’une présomption de validité à moins qu’elle ne soit contestée avec succès selon la procédure prévue à cette fin. Ce faisant, le paragraphe 69.3(1) de la LFI ne peut viser un avis de cotisation et il lui serait inopposable.

Le syndic, quant à lui, plaide que l’avis de cotisation constitue l’étape initiale du processus menant à l’établissement d’une créance fiscale et donc, à son recouvrement selon la portion du dividende qui lui sera attribuée. Partant, l’avis de cotisation constitue une « procédure de recouvrement » envisagée par le paragraphe 69.3 (1) de la LFI.

La Cour d’appel du Québec a mis fin à un certain flottement jurisprudentiel. Selon la Cour, le paragraphe 69.3(1) de la LFI interdit les actions et procédures « en vue du recouvrement de réclamations prouvables ». Le sens ordinaire des mots entre en conflit avec la thèse préconisée par le Procureur général du Canada.

[40] Cette idée que la demande d’autorisation fait partie d’un ensemble procédural et est donc interdite, même si elle ne permet pas elle-même d’obtenir le recouvrement d’une créance, est applicable en l’espèce. En effet, même si l’avis de cotisation ne permet pas, à lui seul, de recouvrer une réclamation prouvable, il demeure une étape essentielle aux procédures de recouvrement à venir et lui est si étroitement lié qu’il doit être lui aussi prohibé ou, à tout le moins, que ses effets doivent être suspendus. Bref, que l’avis de cotisation se situe en amont du recouvrement ne modifie pas son statut : il s’agit de la première étape d’un processus devant mener à terme au recouvrement d’une créance.

Suivant ce raisonnement, la Cour en vient à la conclusion qu’étant donné que l’avis de cotisation constitue une procédure en vue du recouvrement d’une réclamation prouvable, il n’aura pas les effets juridiques que lui confère la Loi sur l’impôt sur le revenu (« LIR »). Le syndic pourra donc l’évaluer comme n’importe quelles autres preuves de réclamation soumises par un créancier. Si le syndic la rejette, le fisc pourra donc se prévaloir des dispositions de la LFI afin de contester la décision du syndic.

Le fisc pourrait aussi s’adresser aux tribunaux en vertu de l’article 69.4 de la LFI afin d’obtenir l’autorisation du tribunal pour que l’avis de cotisation puisse donner les effets prévus à la LIR.

La Cour d’appel profite également de cet arrêt pour rappeler certains principes d’interprétation qu’il convient de donner aux dispositions de la LFI en réitérant son objectif à cet égard :

[48] Par ailleurs, aucun créancier ordinaire ne peut être avantagé et cela inclut l’ARC. Or, la proposition de l’appelant aurait pour conséquence d’avantager indument l’ARC, notamment en ce qui a trait au court délai du syndic pour s’opposer, au fardeau qui serait celui du syndic, contrairement aux autres cas où le fardeau est celui du créancier, et aux conséquences d’une absence d’opposition. Il s’agit d’avantages qui seraient en opposition avec les objectifs du régime établi par la LIF.

[64] Il importe de liquider et distribuer efficacement et rapidement les actifs de la faillite, sans quoi ils risquent d’être entièrement consacrés aux frais de liquidation. C’est pourquoi le syndic a l’obligation de trancher sommairement les réclamations prouvables, même si elles sont fondées sur un avis de cotisation, tout comme sur un jugement d’ailleurs, lesquels, dans le contexte d’une faillite, ne constituent qu’un titre de créance.

Il convient de préciser que le Procureur général du Canada pourrait toujours demander l’autorisation de pourvoir contre ce jugement devant la Cour suprême du Canada.  Nous vous en tiendrons informés.

À propos de Noël et Associés

Que vous soyez syndic ou débiteur ou créancier, l’équipe de professionnels de Noël et associés peut vous assister dans le processus parfois complexe de la faillite et de l’insolvabilité.